HISTOIRE DES TROIS REICH
Spécialiste de l’espace germanique, agrégé d’histoire, enseignant à l’EMSST et à l’Université de Marne-La-Vallée, Henry Bogdan publie une passionnante histoire des trois Reich.
LES ORIGINES DU REICH
Les origines du Reich, concept typiquement allemand, se rattachent à la fois à la tradition romaine de l’Imperium Romanum et à l’héritage carolingien. La synthèse de cette double origine, menée à bien par la papauté avec le sacre impérial du roi Germanie Otton le Grand en 962, est réalisée sous la forme du Saint Empire Romain Germanique qui perdurera jusqu’en 1806. Bonaparte y mit fin.
Cependant, en 1871, le roi de Prusse, Guillaume 1er, chef de la maison Hohenzollern, et son chancelier Bismarck rétablissent un Deutsches Reich, qui n’est ni saint ni romain, mais seulement germanique. Finalement, il disparaît dans la tourmente de la défaite de 1918.
Sous le Troisième Reich, réinventé par Hitler, l’appellation officielle de Deutsches Reich est remplacée en 1939 par celle de Großdeutsches Reich, le grand Reich allemand, pour tenir compte du rattachement à l’Allemagne de l’Autriche et de la Bohême-Moravie.
POUR LA PREMIÈRE FOIS, LE MOT DE RÉPUBLIQUE APPARAIT EN 1945
Il faut remarquer que, pour la première fois dans l’histoire du droit constitutionnel allemand, les deux nouveaux états étaient ouvertement qualifiés de République. Le pouvoir était issu de la souveraineté populaire. Pour les deux Allemagne, la disparition du terme de Reich est significative du nouvel état d’esprit imposé aux Allemands par les vainqueurs, qui vise à gommer le passé. La Province de Prusse a disparu de la vie publique, par exemple. Auparavant le mot Reich apparaissait dans le vocabulaire institutionnel sous forme de préfixe, on parlait alors de Reichstag entre autre. On trouvait le mot Reich dans la vie courante, notamment pour la monnaie et en matière bancaire (Reichsbank).
L’ALLEMAGNE EST DEVENUE UN PAYS SANS PASSE
L’Allemagne n’est plus un Reich, mais est devenue une république parlementaire et démocratique. Cependant, selon l’auteur, la doctrine de l’Etat allemand est le rejet du passé, mais rien d’attractif ne l’a remplacé. On tire désormais vanité de la réussite économique, mais l’Allemagne n’est même pas membre du conseil de sécurité de l’ONU.
Il a par exemple fallu plus de soixante ans pour qu’un grand écrivain Gunther Grass (dont la jeunesse a été marquée par le nazisme, ce qui avait été révélé il y a quelques années…) ose évoquer le drame vécu par des milliers de civils de Prusse orientale cherchant à échapper par mer aux exactions de l’Armée rouge. Les embarcations furent coulées par l’aviation soviétique.
Privé d’idéal, le peuple allemand se concentre sur un bonheur immédiat. Sa courbe démographique est inquiétante. L’accroissement de la population est en chute libre, et d’origine extra-européenne. L’Allemagne est devenue un pays sans passé, où l’oubli a été institutionnalisé.
L’auteur ne propose pas ici une nouvelle histoire de l’Allemagne, mais une analyse du concept de Reich à différents moments de l’histoire allemande.
Un essai stimulant et vif !
Jean-Paul Fourmont
Henry Bogdan, Histoire des trois Reich, Éditions Perrin, mai 2015, 411 pages, 24,50 euros.